Les droits d’auteurs à l’ère numérique au centre des discussions de l’Assemblée Générale 2017 de la CISAC à Lisbonne
Plus de 200 créateurs et responsables de sociétés de gestion collective des quatre coins du globe se sont réunis à Lisbonne le 8 juin pour l’Assemblée Générale 2017 de la CISAC. La réunion annuelle a permis de présenter divers rapports et de faire le point sur les activités de la Confédération au cours de l’année écoulée pour le compte des 4 millions de créateurs représentés par les sociétés membres de la CISAC.
José Jorge Letria, Président de la société organisatrice SPAutores, a ouvert la réunion. Auteur portugais largement reconnu et grande figure de la culture portugaise contemporaine, Letria a lu un poème qu’il a composé pour marquer cette visite historique de la CISAC dans sa ville de Lisbonne.
Dans son discours, Eric Baptiste, Président du Conseil d’administration de la CISAC et Directeur Général de la SOCAN, a évoqué sa rencontre de la veille avec le Maire de Lisbonne Fernando Medina. Celui-ci a déclaré que la culture n’était pas une simple ligne du budget de la ville mais un élément clé de la stratégie de Lisbonne pour faire partie des villes plus compétitives et innovantes au monde. « Je ne peux que souhaiter qu’il y ait davantage de maires comme lui ! », a-t-il ajouté.
E. Baptiste a rendu hommage au Vice-Président de la CISAC et sculpteur sénégalais Ousmane Sow, décédé dernièrement, et aux victimes de l’acte terroriste perpétré à l’issue du concert d’Ariana Grande à Manchester. Avant d’observer une minute de silence, Eric Baptiste a déclaré : « L’art est une liberté fondamentale et une activité libératrice. La liberté de pensée et la possibilité d’être qui vous voulez être et d’aimer ce que vous voulez, tel est tout l’enjeu de la créativité et de la création artistique. Ceux qui s’en prennent à des concerts ou des musées, comme en Tunisie en 2015, savent qu’ils s’en prennent aux valeurs-mêmes incarnées par la CISAC, ses sociétés membres et les millions de créateurs que nous représentons et défendons. »
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Le Directeur Général de la CISAC, Gadi Oron, a fait le point sur une « année exceptionnellement active », comme le montre le Rapport annuel 2017 de la CISAC publié tout récemment. La CISAC axe son travail de défense des auteurs sur trois grandes campagnes : le transfert de la valeur, La campagne audiovisuelle en faveur d’un droit inaliénable à rémunération des scénaristes et réalisateurs et le droit de suite des artistes visuels. Aux côtés du GESAC et du CIAM, la CISAC a renforcé la visibilité internationale de sa campagne sur le transfert de la valeur en concentrant tout particulièrement ses efforts sur l’Europe.
G. Oron a déclaré : « La CISAC seule ne peut faire basculer le débat en faveur des créateurs. Ce sont les créateurs eux-mêmes qui donnent à notre campagne toute sa force et sa résonance. Cette voix des créateur est plus importante que jamais dans le débat sur le transfert de la valeur. » La campagne audiovisuelle, emmenée par Writers & Directors Worldwide, a enregistré des progrès notables en Argentine, au Chili et, tout récemment, en Colombie. La campagne pour le droit de suite, dirigée par le CIAGP avec le soutien de l’ADAGP et d’EVA, a également franchi une étape importante à l’OMPI avec l’organisation d’une conférence internationale consacrée à la question.
Le dialogue avec les pouvoirs publics est un autre aspect essentiel du travail de la CISAC dans la poursuite de sa mission au nom de millions de créateurs. G. Oron a attiré l’attention sur les actions menées en Chine, notamment sur une rencontre avec les parlementaires chinois et sur le Forum mondial des Créateurs organisé à Pékin fin 2016. Il a également mis en lumière la réunion organisée en Croatie entre représentants des pouvoirs publics et dirigeants des sociétés d’auteurs de l’ensemble des Balkans – une première dans cette région.
Créer des partenariats est une autre priorité de la CISAC qui, en 2016-17, s’est associée à l’ARIPO et a renforcé ses relations avec l’OMPI. Les actions d’éducation du public ont pris une nouvelle ampleur avec L’Université CISAC et le lancement de la nouvelle formation en ligne « Exploring Copyright: History, Culture, Industry ». La CISAC assoie aussi son statut de référence mondiale dans certains domaines clés comme l’administration des données et la promotion du plus grand professionnalisme et de la bonne gouvernance au sein des sociétés.
Le travail de la CISAC sur la réforme des règles de gouvernance et les conditions d’adhésion a ensuite été présenté. Les amendements proposés aux Statuts de la CISAC, aux Règles professionnelles et aux Résolutions obligatoires visent à améliorer la transparence et faciliter le respect, par les membres, de leurs obligations envers la CISAC. Ces amendements ont été votés et approuvés avant de faire le point sur les évaluations de conformité menées par la CISAC pour promouvoir les meilleures pratiques et le respect des règles par les sociétés membres. Le Secrétariat de la CISAC a ensuite informé les participants sur les priorités de la Confédération sur le plan des affaires publiques et juridiques, le travail de ses Comités techniques et les faits nouveaux sur le plan des technologies et des systèmes d’information. Les Directeurs Régionaux de la CISAC ont présenté leur programme de travail et leurs priorités pour l’Afrique, l’Asie-Pacifique, l’Europe et l’Amérique latine et les Caraïbes.
Sur le plan des réjouissances, les délégués des sociétés ont ensuite pu faire connaissance avec le nouveau Vice-Président de la CISAC, l’artiste visuel Miquel Barceló. Dans une vidéo préenregistrée, Miquel Barceló s’est dit honoré de rejoindre la CISAC et de représenter des millions d’artistes à travers le monde. « Je crois que, dans ce vaste monde étrange, l’art est l’une des choses capables de nous convaincre qu’un avenir est possible. L’art nous aide à exister et j’estme qu’une organisation qui se bat pour plus de 4 millions de créateurs à travers le monde a besoin de tout notre soutien. La création est l’une des rares choses sans laquelle nous ne pouvons pas vivre », a-t-il déclaré.
Une table ronde réunissant le Président de la CISAC Jean-Michel Jarre et les Présidents des Conseils des Créateurs de la CISAC, Hervé Di Rosa, Yves Nilly et Lorenzo Ferrero, a ensuite permis de mettre en lumière les grandes campagnes menées par la CISAC et ses Conseils des Créateurs. Ils ont évoqué les difficultés des créateurs sur le marché numérique, les progrès de la campagne Fair Trade Music, le nouvel optimisme autour de la campagne pour le droit de suite, les avancées spectaculaires de la campagne audiovisuelle en Amérique latine, qui viennent contraster avec l’apparent manque de soutien des députés européens lors du vote de la veille sur le « paquet de mesures sur le droit d’auteur » au sein de la Commission Marché intérieur (IMCO) du Parlement européen, et la nécessité urgente d’obtenir une réforme du cadre législatif. J.-M. Jarre a appelé les sociétés à renforcer leurs actions de lobbying et de sensibilisation.
L’Assemblée Générale a également reçu un message fort de soutien du Gouvernement portugais. Au nom du Ministre portugais de la Culture Luís Filipe Castro Mendes, l’auteur Fernando Pinto do Amaral a affirmé que son Gouvernement est attaché à « appliquer une politique qui défend, valorise et honore nos auteurs et assure la promotion de leurs œuvres au Portugal et à l’étranger (…), une politique qui encourage le respect des créateurs et valorise la création. Seule une telle politique peut assurer à la culture un avenir conforme à nos valeurs. »
Dans son discours de clôture, le célèbre musicien et Président de la CISAC Jean-Michel Jarre a appelé tous les décideurs politiques à prendre conscience que la culture est la force motrice de l’économie numérique. Revenant de New York et de sa dernière tournée, Jean-Michel Jarre a chaleureusement remercié SPAutores d’avoir accueilli la communauté de la gestion collective à Lisbonne et salué ses actions pour établir un réseau des sociétés lusophones en Afrique.
Les efforts infatigables de la CISAC ont contribué à placer la question du transfert de la valeur au sommet des priorités du monde culturel, a souligné J.-M. Jarre. C’est « le plus gros enjeu de notre époque pour les créateurs. La plus grande injustice de leur vie professionnelle et la plus grande faille de l’économie de la création. » Il a ensuite ajouté : « Si nous nous soucions des futures générations de créateurs, nous devons tout faire pour que le marché numérique génère plus de sources de revenus pour les créateurs. »
Jean-Michel Jarre a réclamé un droit inaliénable et universel à rémunération pour les auteurs audiovisuels, soulignant que l’Argentine, le Chili et la Colombie « ont ouvert la voie » de son adoption universelle. Pour finir, le Président de la CISAC a fait remarquer que les artistes visuels ont « entrouvert la porte à l’avancement de leur cause à l’OMPI et créé une dynamique » en faveur de l’adoption universelle du droit de suite.
Jean-Michel Jarre a alors appelé tous les délégués de l’Assemblée Générale à se rallier derrière une même cause : l’ère numérique est une bonne chose pour les créateurs, car elle leur offre des opportunités sans précédent, a-t-il souligné. Mais, en réalité, tout le monde doit reconnaître que l’« économie numérique » est en fait l’« économie de la culture », alimentée par les créateurs. Et pourtant, ce sont les géants du secteur numérique et non les créateurs qui en retirent les bénéfices. Il a terminé par ces mots : « La révolution numérique doit être celle des créateurs. À nous de le faire comprendre à tous les responsables politiques et preneurs de décisions. »
L’Assemblée Générale 2018 de la CISAC se tiendra en juin 2018 à Varsovie (Pologne).